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ARTCLUB News N°8 (octobre 2002)

De sa Russie natale, Volodia Popov a gardé toutes les caractéristiques de la peinture contemporaine, toute la richesse d'inspiration, mais il a également su se tourner vers l'Occident, où il vit maintenant, et intégrer à son art certaines de nos composantes actuelles. Ses toiles, toujours de grand format, nous plongent dans ses rêveries intérieures. Et ses rêveries intérieures nous donnent une image un surréaliste de son univers personnel. Que l'on regarde ses natures mortes ou ses portraits de femmes, rien n'y semble conventionnel. Il insuffle à ses sujets une irréalité qui fait que nous quittons le monde pour une sorte de conte de fées. Ces femmes, la sienne probablement tant elles ont de points communs, sont semblables à des nymphes longilignes, à la peau douce et nacrée, lisses, mystérieuses et secrètes, aux yeux étranges : elles semblent à la fois vous fixer et regarder ailleurs , au-delà ou au fond d' elles-mêmes. Surréalistes, les positions qu'il leur fait prendre, comme à des danseuses de ballets classiques ou des yogis, mais nichées au creux de fleurs géantes qui leur offrent un abri à
leur nudité. Pudiques bien que nues, elles préfèrent le voile transparent ou l'exubérance des fleurs pour s'habiller un peu. Ce qui frappe dans ses toiles, c'est le sens de la linéarité dans les contours, et le jeu des couleurs dont use Volodia Popov. Fidèle à la richesse des coloris traditionnels russes que l'on retrouve dans toutes ses compositions, il les applique sur des fonds travaillés de reliefs qui leur donnent un aspect moiré, rappelant les étoffes et les brocarts d'antan. Ses natures mortes sont envoûtantes tant il s'y passe de choses. Nous sommes loin des alignements d'objets ou des compositions savantes et statiques qui font la matière traditionnelle de ce genre. Chez Volodia (c'est ainsi qu'il signe ses toiles),une nature morte est comme une réunion d'amis autour d'une table, un verre à la main, portant des toasts à tous propos. Son imagination débridée, et l'influence certaine des
contes russes, font que chaque objet devient un personnage à part entière dans cette réunion d'amis. Les flacons, longilignes comme ses femmes, au col effilé et à la silhouette ondulante comme un roseau, semblent tenir salon et discourir à l'infini entre eux. Les théières abritent sans nul doute un génie qui les fait danser sur la table. Tous les éléments du décor de ces tables sont animés, déformés, vus comme en hallucination : ils ondulent, se pavanent et se font mille grâces. La table elle-même s'évade de la réalité banale : plateau vertical richement habillé de lourds tissus brodés d'or, ou tapis volant prêt à conduire ses passagers dans un autre monde, celui, fantastique, où les objets parlent et vivent pour eux-mêmes. Volodia Popov a su transcrire sur la toile ce que d'autres avaient mis en scène dans la littérature magique des contes.
Cet artiste nous fait voyager dans un monde poétique, richement coloré, et ce n'est certes pas par hasard que les collectionneurs affectionnent à ce point ses toiles, dans le monde entier.



Article de "Novaya gazeta" (russe, juillet 2002)
voir




Le
catalogue de la Galerie "Bouvet-Ladubay" (2000)




Livre de voyages (1999)

On sait bien que chaque acte de création est obligatoirement conditionné par toute l'évolution antérieure de l'artiste, on ne devient pas virtuose spontanément.
Deux étapes décisives de la formation professionnelle de Volodia étaient l'Ecole des Beaux-Arts à Abramtsevo sous Moscou et l'Académie des Beaux-Arts et du Design Industriel Moukhina à St-Petersbourg - deux systèmes de vision artistique différents ayant appris à leur élève à voir chaque objet de l'extérieur et de l'intérieur des micro- et macro-univers de l'imagination. Deux écoles, deux conceptions, deux façons réciproquement complémentaires de remonter aux sources de formes plastiques donnant ensemble des ouvertures quasi-illimitées au développement de tout style. Le langage de Volodia peut paraître très "européen", mais il n'en est moins vrai que sa façon de réfléchir son modèle dans l'image est profondément marquée par les traditions picturales russes fondées sur le jeu des expressions linéaires et rythmiques, sur l'interaction de la silhouette et de l'effet coloristique local.
Empreinte de sa très solide formation, son œuvre l'est aussi de sa curiosité aux tendances contemporaines, de son contact quotidien avec l'évolution du contexte pictural occidental.
En 1990, 2 ans après sa sortie de l'Académie Moukhina à St-Petersbourg, Volodia a pris part (avec son ami Vladimir Kostarnov) au Festival International de la Sculpture (!) à Munster en Allemagne. Leur travail a obtenu le 1er prix. Ce succès "inattendu", la connaissance et l'échange avec ses collègues occidentaux ont donné à Volodia un parfait stimulus à son évolution.
"Le succès engendre le succès". Depuis ce concours en Allemagne, participer aux actions artistiques internationales est devenu pour Volodia une occupation régulière et familière : construction des "châteaux de sable" en France (Bressuire 1994, 1995) ou des "châteaux de neige" à Moscou (IIème prix -"Viugovéï" 1990), Festivals Internationaux des Arts Plastiques ("Master-Class" à St-Petersbourg) ou les expositions personnelles ou collectives en France, Espagne, Allemagne, Russie, Pays-Bas...
C'est le mouvement, le voyage perpétuel.
Cette vie extramobile devient une source et un moyen d'inspiration, oriente l'esprit et donc la création, impose un certain détachement et permet tant de découvertes étonnantes qu'avec les routes terrestres Volodia a fait son compas personnel, sa rose des vents.

LE VOYAGE A TRAVERS LES SOUVENIRS
OU "LE TEMPS, RECULE !"

Quand Volodia voyage à travers le temps, c'est sans règle du jeu, définie. En restant russe dans son essence, sa formation et ses attachements, il a puisé pendant plus de 10 ans ses thèmes dans le folklore de son pays natal - la magie des contes, le loubok*, les tréteaux. Tous ces personnages : les marchands barbus costauds, les Petrouchkas, les beautés tantôt sur un taureau, tantôt sur un coq, tantôt sur un cheval avec le prince Ivan, - ils sont tous éclatants, magnifiques, riches en couleurs comme une "couverture faite en mosaïque avec des morceaux de chiffons"que l'on peut admirer en entier ou explorer morceau par morceau.
Les oiseaux païens - Sirin et Alkonost, dont les corps redoutables sont à peine couverts d'un plumage raffiné et trompeur - sont fiers et austères.
Assez complexes sont ses tableaux "Le Marchand d'actions", "La Représentation", "L'Editeur", "Le Ménage diligent". Remplis d'associations historiques et de détails "parlants" (photos, anciens billets de banque etc.), leur contexte n'est plus féerique, mais plutôt ménager ou domestique, donc plus familier et donc, plus illustratif.
Le continent des vieilles bonnes traditions picturales russes n'a pas de limites et de ce fait - n'est jamais entièrement exploré ; peuplé d'innombrables personnages hauts en couleurs, il est cultivé et aménagé par de nombreuses générations d'artistes. Chaque chose peut y être inventée et réinventée sans cesse et à chaque fois elle sera aussi intéressante et originale que l'est son créateur.

LE VOYAGE EN SPIRALE
OU " LES ECLATS DE L'HARMONIE DISPARUE
"

Volodia n'est pas insensible au mystère des coquilles aux formes étranges venant des mers, des tropiques. Il les appelle respectueusement "Objets". Comment est-il possible qu'un crustacé primitif habite une demeure aussi luxueuse ?! Ce blindage, cette cage en or, ne lui donnant aucune possibilité de croître, a empreint dans les courbes de ses spirales une certaine histoire d'une civilisation qui ne s'est jamais réalisée.
Le tendre nacre de sa surface intérieure est soigneusement caché, roulé en spirale, parsemé d'épines, de pousses de la carapace gardant jalousement ce mystère.
L'artiste compare ces créatures avec la forme du triangle, stable et solide mais privée de vie (Objets n°2, 4 et 5) et avec la géométrie de l'œuf - symbole de la vie, essaie de les pénétrer par l'énergie de la lumière, de les forcer à vivre dans une ambiance inhabituelle ("L'Atelier de l'artiste"). Mais partout-partout ces objets restent fermés et excitent justement par leur côté insoumis et inconnu. D'ailleurs, Volodia trouve parfois un contenu digne de certaines coquilles ("L'île-de-Ré", "La Mer de bleuets"), mais ça c'est déjà un autre voyage.

LE VOYAGE PARMI LES CHOSES
OU "LES CONVERSATIONS "

Volodia Popov est un païen. Même quand il s'inspire du personnage d'Andréï Roublev, il pense à Kasimir Malévitch ("Conversation de Malévitch avec Roublev"). La nature-morte ranimant l'abîme du « Carré Noir » ironise sur les mornes pronostiques du début du XXème siècle sur la mort de l'art pictural. Rien n'est mort tant que l'artiste ne l'est pas.
Toutes les nature-mortes de Volodia peuvent être réunies en un cycle à part - si différentes paraissent-t-elles dans le langage et le but, mais tous ces objets (ce sont d'habitude des attributs des repas festifs) sont réunis par l'esprit d'une conversation intime. Les calices massifs sur un pied fin, les bouteilles défiant la gravitation etc. - toutes ces choses vivent leur propre vie, respirent leur propre air, se cherchent ou se désunissent ; et dans cette tension, leurs silhouettes se fondent, perdent leur aspect figé et la symétrie froide.
L'étincelle du regard d'artiste libère leurs propres énergies intérieures, les invite à une fête, à une conversation ou à un acte d'amour.

LE VOYAGE INSATIABLE
OU "LE CHEMIN VERS LA FEMME"

La coquille qui avait un jour amené La Vénus à la terre ferme peut se trouver non seulement dans la mer près de l'île-de-Ré, mais aussi dans la mer de fleurs de champs, laissant ces dernières la transpercer (si une jeune et belle créature l'a choisi par insouciance) ("La Mer de bleuets").
A part de rares exceptions, Volodia voit dans les femmes des païennes comme lui-même. Elles peuvent être de la même nature avec les nuages en les intégrant dans leurs corps ou en s'y dissolvant ("Le Reflet"). Elles mélangent leurs cheveux avec du vent plein de fleurs et de feuillage annonçant l'arrivée du printemps ("Flore"). Leurs amis les plus intimes sont souvent chiens , chats et oiseaux, elles cachent rarement leur grâce sous les vêtements.
Ses femmes s'amusent et rêvent, se peignent ou se font belles. Elles peuvent être surchargées de chair comme des "Vénus paléolithiques" ou même ne pas avoir de corps comme des esprits mais elles sont toujours remplies de désir et sont désirées. Et l'amour entre l'homme et la femme est pour Volodia un équilibre entre deux énergies qui permet de résoudre un problème plastique ("Equilibre", "Désir").

LE VOYAGE VERS SOI-MEME
OU "L'ENVIRONNEMENT QUOTIDIEN
"

II est admis que chaque tableau de l'artiste soit un peu son autoportrait. En se lançant dans un voyage, en accumulant des sujets et des objets, Volodia fond pour sa rose des vents de nouvelles pétales qui se fixent toutes sur la même tige et qui ont les mêmes racines où se concentrent toutes les images et tous les souvenirs de Volodia.
L'artiste est en même temps immobile et mouvant. Chaque détail de sa vie quotidienne devient un thème pour sa création. Dans son environnement immédiat se croisent des mythes et des énergies extraterrestres, les jeux d'enfant ont un sens sacré ("Le garçon avec un chat"), sa Galatée est animée tantôt par le mouvement du pinceau ("Autoportrait"), tantôt par les goûttes de la pluie ou par le tintement des verres ou par un doux toucher.

* "LOUBOK"- ancien style décoratif russe caractérisé par un dessin assez schématique et accompagnée d'une légende explicitant la situation des personnages souvent outrée jusqu'au grotesque.

 
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